Nadaud Clément est le président de la Sorbonne solidarité du plateau Abidjan. Exilé au Togo depuis la chute du président Laurent Gbagbo en Avril 2011, il est l’actuel représentant de la CO.P.I.E ( collectif des patriotes en exil) pour le Togo et le Bénin dirigée par Damana Pickas). Dans cet entretien accordé à Africa News, il déplore la gestion du pays sous Ouattara et ne cache pas sa crainte que l’actuel président ivoirien soit emporté par une révolte populaire.

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 Comment avez vous reçu la nouvelle de la libération des prisonniers politiques en Cote d’Ivoire?

Avant tout propos je souhaiterais m’incliner et rendre hommage à tous les résistants et démocrates tombés sous les balles assassines de l’armée française, des soldats de l’ONUCI et des mercenaires à la solde de Ouattara Alassane. Pour répondre à votre question, c’est avec joie que j’ai reçu la nouvelle de la libération des prisonniers politiques.

Avez-vous été surpris par cette libération?

A la question de savoir si j’ai été surpris, je réponds oui car rien ne présageait que Ouattara ait opté pour l’apaisement au vu de ses déclarations à l’encontre du F.P.I lors de sa tournée dans le Nord de la Côte D’Ivoire et des tracasseries judiciaires qu’il fait subir au ministre Koné KATINA au Ghana.

Avez-vous des nouvelles de ce que sont devenus vos espaces de libre expression et de formation politique? 

Nos espaces ont disparu et la Sorbonne précisément a subi la furia du maire Akossi Benjo du Plateau. Actuellement elle sert de boxing club à la fédération de boxe. Comme quoi on chasse la parole pour les poings, tout un programme pour ceux qui nous dirigent. Quand aux autres parlements et Agoras à travers Abidjan et l’intérieur du pays, ils ont été fermés faute d’animateurs qui sont, soit en exil soit emprisonnés ou menacés de mort. Félicitions donc à Gnaore Achille qui s’attelle avec ses camarades restés au pays à redonner vie aux espaces de libre expression.

Le président du Front Populaire Ivoirien, Pascal Affi N’guessan a qualifié la politique en place en Cote d’Ivoire de ” politique tordue”.  Vos impressions

Je suis tout à fait d’accord avec le premier ministre quand il parle de “politique tordue “. Voyez-vous, Ouattara a déstructuré la société ivoirienne et y a introduit un tribalisme des plus abjects à tous les niveaux de la gestion des leviers de l’Etat avec sa politique de rattrapage ethnique. C’est cela un aspect de la politique tordue dont parle Pascal Affi N’guessan.

Mais ne pensez-vous pas que la libération de Pascal Affi N’guessan  et de ses camarades puisse accélérer le processus de réconciliation et le retour des exilés politiques ?

Quoique trouvant ce geste insuffisant, je crois qu’il faut saluer la volonté de Ouattara à se rendre compte qu’il ne pourra pas longtemps diriger la Côte d’Ivoire dans le climat de peur et de suspicion délétère. Il faut donc voir cela comme le début du processus d’ouverture d’un dialogue franc entre tous les fils du pays. La libération de Pascal Affi N’guessan est un facteur qui peut booster le processus de réconciliation mais il reste insignifiant. Il faut que Ouattara accepte la contradiction et que Laurent Gbagbo soit libéré. Quant au retour des exilés, certes le président du FPI, Affi N’guessan est en liberté provisoire mais rien ne nous dit que ce n’est pas un piège de Ouattara pour attirer tout le monde dans son traquenard.

Douterez-vous de la volonté du chef de l’Etat ivoirien à aller à l’apaisement? 

Il y a de quoi se méfier de l’individu. Nous n’irons pas nous jeter dans ses bras comme des gamins. C’est pourquoi la cessation des poursuites judiciaires par une loi d’amnistie serait un gage sérieux pour que les exilés politiques puissent envisager un retour au pays. Mais Mr Ouattara doit faire encore un autre effort plus important.

Lequel ? 

Celui de la libération totale des prisonniers politiques avec en place de choix la première dame Simone Ggagbo et le ministre Charles Ble Goude. Ensuite, il faut qu’il dégèle les avoirs de tous les cadres de la L.M.P et mette fin aux mandats d’arrêts fantaisistes contre les exilés politiques.

Vendredi dernier, trois organisations de défense des droits de l’homme ont publié un communiqué jugeant “préoccupantes” et “déséquilibrées”, les enquêtes de la justice ivoirienne liées à la crise post-électorale. Cette déclaration colle t-elle avec la réalité du terrain?

Je suis d’avis avec cette déclaration. Je dirai mieux que la justice ivoirienne est aux ordres et que c’est une justice des vainqueurs car comment comprendre que la propre commission d’enquête diligentée par Alassane Ouattara ait démontré que ses hommes aient commis des atrocités et qu’aucun de ses sbires ne soit inquiété. Ce n’est pas la mise en scène d’ Amadé Ourémi qui nous satisfera.

[http://sergepacomeabonga.blogvie.com/2012/12/11/cote-divoire-pourquoi-il-faut-liberer-laurent-gbagbo/   ]

Comment voyez-vous l’avenir politique en Cote d’ivoire dans les 6 prochains mois ?

Dans les mois à venir, si Ouattara s’entête à vouloir imposer aux forceps ses idées aux ivoiriens, s’il cherche à louvoyer avec le peuple en l’affamant et en lui déniant la liberté de s’exprimer, ne soyez pas surpris qu’il soit emporté par une révolte populaire. Je dis aux ivoiriens d’être sereins et que la victoire n’est plus loin. DIEU bénisse la Côte d’Ivoire et son peuple digne.

Entretien telephonique réalisé par Serge-Pacome Abonga / Source: Africa News